Tadjourah/Excisions et mariages précoces encore vivaces
Les enfants du village frontalier de Bouya, à l'Ouest de Dorra. Photo appartenant à l'association "Groupe de Femmes Solidaires".
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«Le constat est amère : l’association en question n’a rien fait, si ce n’est d’organiser périodiquement...»
«La volonté politique du gouvernement djiboutien est des plus farouches pour éradiquer définitivement sur l’ensemble du territoire national le phénomène de l’excision et les mariages précoces, rétrogrades et irrémédiablement destructeurs pour les jeunes filles. Pour atteindre cet objectif majeur, il s’appuie entre autres, sur les actions conduites par les associations représentative de la société djiboutienne dans sa diversité...»
Selon les informations recueillies sur place à Tadjourah, le tissu associatif serait particulièrement développé pour le plus grand bonheur des habitants de la vielle cité et des populations des localités périphériques. A Tadjourah, les associations agissant dans différents domaines pilulent ces dernières années. Cependant, très peu d’entre elles est engagé dans la lutte contre l’excision et les mariages précoces, comme si, ce domaine est la «chasse-gardée» d’une seule et unique structure enregistrée à Tadjourah!.
Les actions menées - souvent à grands frais -, par l’unique association locale qui prétend agir contre ce phénomène qui détruit la vie des jeunes filles et futures mamans à travers diverses complications physiologiques et mentales, ne semblent manifestement pas porter leurs fruits.
D’après les informations disponibles sur le site de «Excision parlons-en», une en quête réalisée par le Comité national de lutte contre les pratiques traditionnelles néfastes (CNLPTN), de Djibouti montre un taux inférieur : 82% de femmes interrogées (490 femmes entre 15 et 50 ans), ont subi des Mutilations génitales féminines (MGF). Mais les données contradictoires indiqueraient le taux nettement supérieur avoisinant les 93% en mars 2014 en milieu rural surtout.
A Djibouti, l’excision est interdite depuis la révision du Code pénal, entrée en vigueur en avril 1995.
L’article 333 du Code pénal interdit toutes les formes de violence : il prescrit que «la violence imposée par les mutilations génitales faites aux femmes, est passible de cinq années d’emprisonnement et un million de francs Djibouti d’amende».
L’arsenal juridique est des plus répressifs, mais la solution n’est pas dans la seule voie répressive, même si celle-ci peut s’avérer dissuasive.
Pour faire diligenter une enquête et, mener par la suite des actions judiciaires, le rôle des associations est Cardinal. D’autant plus qu’elles ont le droit de se constituer «partie civile» dans une action en justice engagée dans l’intérêt de ces êtres vulnérables.
De sources associatives dignes de foi et bien informées, 98% des fillettes sont toujours excisées à Tadjourah-ville, et autant dans l’arrière-pays de cette préfecture du Nord du pays.
Les mariages précoces sont monnaie courante dans le «pays Songo», en passant par les «Goda» jusqu’à la frontière éthiopienne, au pied du «Moussa-Ali».
Le constat et amère : l’association en question n’a rien fait, si ce n’est d’organiser périodiquement - une fois dans l’année, quand ce n’est pas deux -, une escapade improvisée dans le village d’Ardo situé à 25 km de Tadjourah, ou à Sagalou distant de 30 km du chef(lieu de la préfecture.
D’après Mme Nasro Abas, Présidente de l’association «Groupe de Femmes Solidaires», de compétences nationales, que nous avons interrogé «Pour la région de Tadjourah, un plan visant à élaborer une nouvelle stratégie de communication et d’actions est à l’étude, en collaboration avec nos partenaires...», nous a t-elle confié.
Dynamiques, compétentes et dévouées, les jeunes actrices du «Groupe de Femmes Solidaires», sont plus que jamais décidées à en découdre avec ces pratiques d’un autre âge.
«Sincèrement, nous n’avons pas de remède miracle pour éradiquer l’excision stopper nette les mariages précoces, nous comptons d’abord gagner la confiance de nos interlocutrices qui sont aussi bien les exciseuses que les mères, avant de chercher à les faire adhérer à nos idées et les convaincre du bien-fondé de nos démarches…» ajoute t-elle d’un ton pédagogique.
La jeune femme maîtrise à la perfection le sujet et, sa détermination à vouloir gagner vaille que vaille le pari de la lutte contre l’excision et les mariages précoces, ne fait pas l’ombre de doute.
La route est longue, le défi est grand, mais Nasro Abas et son équipe ont d’ores et déjà retroussé les manches pour relever le défi et, parées à avaler des kilomètres pour venir concrètement en aide aux petites filles, comme si c’était les leurs.
Houmed DAOUD